La réforme du régime de la police des cultes

Mis à jour le 22/01/2024

  

La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République (CRPR) vient réformer en profondeur le régime des cultes depuis 1905. Celle-ci vise à moderniser le cadre juridique du support institutionnel de l’exercice des cultes, en conservant l’esprit qui avait présidé à l’élaboration de la loi de 1905 : le culte s’exerce librement, ses institutions sont associatives, elles sont soumises à des obligations de transparence comptable et financière, à des obligations de gouvernance démocratique minimales et il existe un régime spécifique, appelé « police des cultes », de répression des atteintes au libre exercice des cultes et à la liberté de conscience.

Ce texte a également introduit un nouveau dispositif de contrôle des financements étrangers et a précisé le régime des avantages qui sont consentis aux associations cultuelles.

Ce dernier a fait l’objet d’une concertation approfondie au niveau central avec les représentants des cultes, lors de l’élaboration du projet de loi, au cours de la discussion parlementaire et lors de l’élaboration des textes d’application. Cette concertation se poursuit actuellement avec la rédaction des circulaires d’application et de la documentation pédagogique afférente.

La loi du 24 août 2021 prévoit notamment les mesures suivantes :

1- L’entrée en vigueur progressive de la réforme du régime des cultes

Les premières dispositions du texte sont entrées en vigueur dès sa promulgation et avec les publications du décret en Conseil d’État modifiant le décret d’application de la loi du 9 décembre 1905 1 et du décret en Conseil d’État pris pour l’application de la loi du 2 janvier 1907 2.

1.1 S’agissant des obligations statutaires, de fonctionnement et de déclaration des associations

  • Les associations cultuelles
  • Pour les associations cultuelles nouvelles, c’est-à-dire qui se constitueraient comme telle à compter du 26 août 2021, que ce soit au moment de leur création ou par transformation d’une association simplement déclarée, l’ensemble des dispositions nouvelles issues de la loi CRPR leur sont applicables : règles de constitution et de fonctionnement, obligations de transparence financière. Elles sont tenues de déclarer leur qualité cultuelle depuis le 28 décembre 2021 pour pouvoir bénéficier des avantages.
  • Pour les associations qui fonctionnaient antérieurement au 26 août 2021 comme des associations cultuelles mais qui ne bénéficiaient d’aucune décision en cours de validité leur reconnaissant le caractère cultuel (rescrit ou non-opposition à la libéralité de moins de cinq ans), elles doivent mettre leurs statuts en conformité avec la loi et déclarer leur qualité cultuelle avant le 30 juin 2023, si elles veulent pouvoir continuer à bénéficier des avantages propres à cette catégorie.
  • Pour les associations cultuelles bénéficiant d’une décision de reconnaissance de la qualité cultuelle dont la validité s’étend au-delà du 30 juin 2023, elles devront mettre leurs statuts à jour et déclarer leur qualité cultuelle avant le terme de la validité de ladite décision, si elles veulent continuer à bénéficier des avantages.

Depuis le 17 janvier, la déclaration de la qualité cultuelle peut être effectuée au moyen d’une télédéclaration disponible sur le site suivant :

https://contacts-demarches.interieur.gouv.fr/declaration-qualite-cultuelle/

  • Les associations relevant de ce régime et déclarées jusqu’au 26 décembre 2021 inclus devront communiquer avant le 1er janvier 2023, la liste des lieux dans lesquels elles exercent habituellement le culte. Les associations qui déclareront leur qualité cultuelle avant cette échéance devront néanmoins communiquer cette liste à cette occasion.
  • Associations exerçant le culte simplement déclarées dites « mixtes » ou « 1907 »
  • Pour les associations déclarées à compter du 26 août 2021, exerçant le culte sous une autre forme que celle d’association cultuelle, toutes les dispositions de la loi CRPR s’appliquent, dont l’obligation de tenir une assemblée générale annuelle, de tenir et de communiquer au préfet la liste des lieux dans lesquels elles exercent le culte et de mentionner le caractère cultuel de leur activité dans leur objet statutaire.
  • Les associations relevant de ce régime et déclarées jusqu’au 26 décembre 2021 inclus devront communiquer au préfet la liste des lieux dans lesquels elles exercent le culte avant le 1er janvier 2023.

1.2 Obligations de transparence financière

  • Les associations cultuelles continuent à être soumises aux obligations de tenue de compte comme elles l’étaient antérieurement. Désormais, elles devront également tenir un état séparé de leurs financements étrangers à compter du 1er janvier 2023, conformément à un règlement de l’autorité des normes comptables qui sera pris au cours de l’année.
  • Les associations dites « mixtes » relevant de la loi de 1907, créées jusqu’au 25 août 2021, sont soumises à de nouvelles obligations :
    • de tenue de comptes normés faisant apparaître leurs activités cultuelles dans une unité fonctionnelle séparée,
    • de certification de leurs comptes lorsqu’elles délivrent des reçus fiscaux au premier euro, lorsqu’elles perçoivent plus de 23.000 euros de subventions publiques ou lorsque leur budget annuel dépasse 100.000 euros,
    • de tenue d’un compte d’emploi et de ressources (CER) en cas d’appel à la générosité du public destiné au financement du culte dépassant un seuil de 50.000 euros,
    • de disposer d’un compte bancaire séparé pour les dépenses cultuelles

Ces obligations sont applicables à compter du 1er janvier 2023. Les obligations comptables s’appliqueront donc sur l’exercice débutant à compter de cette date.

  • Les associations dites « mixtes » relevant de la loi de 1907, créées à compter du 26 août 2021, sont d’ores et déjà soumises à l’ensemble de ces obligations, à l’exception de l’obligation de tenue d’un état séparé des financements étrangers, qui sera applicable à compter du 1er janvier 2023.

1.3 Obligations relatives aux financements en provenance de l’étranger

1.3.1 Obligations déclaratives

Les financements reçus directement ou indirectement de l’étranger devront être déclarés à l’autorité administrative (art. 19-3 de la loi du 9 décembre 1905, art. 910-1 du Code civil, art. 4-1 de la loi du 2 janvier 1907), en ligne via une télédéclaration en cours de déploiement.

L’autorité administrative aura la faculté de s’y opposer lorsque les agissements du donataire ou du bénéficiaire établissent une « menace réelle, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société ».

Ces dispositions entreront en vigueur à compter de la publication d’un décret au Conseil d’État attendu pour le début du printemps.

1.3.2 Obligations de certification des comptes

L’obligation de certification des comptes pour les associations ayant reçu plus de 50.000 euros de financements étrangers soumis à déclaration (articles 21 de la loi du 9 décembre 1905 et 4-1 de la loi du 2 janvier 1907) sera applicable à l’exercice débutant au 1er janvier 2023.

1.4 Aliénation de lieux de culte à un acheteur étranger

La procédure, prévue au III de l’article 910 du Code civil, qui donne compétence au ministre de l’Intérieur pour s’opposer aux libéralités consenties par des donateurs français (dont potentiellement des associations cultuelles ou mixtes) à des États étrangers ou à des établissements étrangers n’a pas été modifiée par la loi CRPR.

En revanche, désormais, toute aliénation d’un lieu de culte consentie directement ou indirectement à une personnalité étrangère devra, à peine de nullité de l’acte, faire l’objet d’une déclaration préalable à l’autorité administrative (article 17-1 de la loi du 9 décembre 1905) qui pourra s’y opposer pour le même motif que celui prévu pour la procédure de déclaration des financements étrangers. La procédure à suivre sera précisée dans un décret pris en Conseil d’État à venir des dans les prochains mois.

1.5 Police des cultes

Les dispositions du titre V de la loi du 9 décembre 1905 « police des cultes » sont immédiatement applicables. S’agissant des dispositions pénales, leur mise en œuvre relève exclusivement de l’autorité judiciaire.

La mesure de fermeture administrative des lieux de culte pour un motif d’ordre public, prévu à l’article 36-3 de la loi du 9 décembre 1905 est immédiatement applicable.

1.6 Mise en œuvre des prérogatives préfectorales de contrôle et d’information

La loi CRPR a précisé les prérogatives de contrôle de l’administration sur le respect par les associations exerçant le culte de leurs obligations légales.

Les préfets ont ainsi la faculté :

  • de se faire communiquer les comptes que doit tenir toute association exerçant le culte conformément aux obligations résultant des articles 21 de la loi du 9 décembre 1905 et 4-1 de la loi du 2 janvier 1907 ;
  • d’enjoindre une association dite « mixte » relevant de la loi du 2 janvier 1907 de mettre ses statuts en conformité avec le caractère cultuel de son activité, ce qui lui imposera le respect des obligations propres à cette catégorie (procédure prévue aux articles 4-2 de ladite loi de 1907 et 5 du décret du 23 décembre 2021) ;
  • de saisir le tribunal judiciaire aux fins d’enjoindre une association exerçant le culte de respecter ses obligations de tenue de comptes (articles 23 de la loi du 9 décembre 1905 et 4-1 de la loi du 2 janvier 1907) ;
  • de s’opposer à tout moment à ce qu’une association cultuelle qui trouble l’ordre public ou ne respecte pas ses obligations légales, notamment de transparence, continue à bénéficier des avantages propres à cette catégorie (défiscalisation des dons, baux emphytéotiques administratifs, garantie d’emprunt…) (article 19-1 de la loi du 9 décembre 1905).

En cas de non-respect de leurs obligations, et après avoir fait usage de l’ensemble de leurs prérogatives, les préfets signaleront au procureur de la République territorialement compétent, les infractions dont ils auront connaissance, notamment aux obligations de transparence, et qui sont réprimées par les articles 23 de la loi du 9 décembre 1905, par le titre V de ce même texte ainsi que, par renvoi, sur le fondement des articles 4 et 4-1 de la loi du 2 janvier 1907.

En outre, il appartiendra aux services dépendant de la direction générale des finances publiques de s’assurer du respect du régime fiscal propre à chaque catégorie d’association exerçant le culte.

Enfin, la loi CRPR fait désormais obligation aux collectivités d’informer préalablement le préfet, d’une part, lorsque qu’elles envisagent de conclure un bail emphytéotique en vue de l’affectation à une association cultuelle d’un édifice du culte ouvert au public et, d’autre part, lorsqu’elles envisagent de garantir un emprunt contracté pour financer la construction, par des associations culturelles, d’édifices répondant à des besoins collectifs de caractère religieux. Cette obligation d’information permettra aux préfets de s’assurer que l’association bénéficiaire constitue bien une association cultuelle en application de la loi nouvelle.

1Décret n°2021-1844 du 27 décembre 2021 relatif aux associations cultuelles régies par la loi du 9 décembre 1905

2Décret n°2021-1789 du 23 décembre 2021 pris pour l’application de la loi du 2 janvier 1907, concernant l’exercice public des cultes